Le 30 mars 2016, le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique a été présenté en conseil des ministres. Depuis des années, la France ne cesse en effet d’être pointée du doigt pour son prétendu laxisme et cette situation paradoxale fait encourir aux entreprises françaises un risque transnational considérable. Le système de lutte contre la corruption a donc été repensé mais laisse encore en suspens de nombreuses questions.
Le projet de loi crée l’obligation de prendre les mesures destinées à prévenir et à détecter la commission, en France et à l’étranger, de faits de corruption ou de trafic d’influence. L’obligation s’imposera aux présidents, directeurs généraux et gérant de sociétés, mais également membres du directoires de SA selon leurs attributions respectives, employant au moins 500 salariés ou appartenant à un groupe de sociétés dont l’effectif comprend au moins 500 salariés et dont le chiffre d’affaires ou le chiffre d’affaires consolidé est supérieur à 100 millions d’euros. Cela représenterait 1570 sociétés en France, lesquelles ont cependant déjà pour la plupart adopté des systèmes de prévention.
Les contrôles pourront être effectués par la nouvelle Agence nationale de prévention et de détection de la corruption sur son initiative ou sur demande des ministres de la Justice ou du Budget (articles 4 et 8). L’Agence, qui reprendra les services de l’ancien Service Central de Prévention de la Corruption dont les moyens financiers et humains seront accrus, pourra ainsi :
A l’issue du contrôle, un rapport contenant des observations sur la qualité du dispositif et les recommandations visant à l’améliorer sera établi et transmis au ministre et à la société.
En cas de manquement, et après mise en demeure, une commission des sanctions pourra être saisie et prononcée une amende de 200.000 euros pour les personnes physiques et jusqu’à un millions d’euros pour les personnes morales. Elle pourra également ordonner la publication, la diffusion ou l’affichage de la décision.
Le projet Sapin 2 étend la protection du lanceur d’alerte au secteur financier comme dans le cadre des abus de marché (article 7). Dans le prolongement des précédentes lois sur le droit d’alerte, il confie également à la nouvelle Agence une mission d’accueil, d’orientation et de protection des lanceurs d’alerte (article 6).
Après vérification, l’agence pourra même reprendre les signalements à son compte et transmettre les informations à la justice permettant ainsi d’anonymiser la dénonciation originelle.
En cas de condamnation pour des faits de corruption ou de trafic d’influence, le projet crée une peine complémentaire de mise en conformité, exécutée sous le contrôle du Procureur de la République, et comportant l’obligation pour la personne condamnée de mettre en place un système de vigilance (article 9). Le non respect de cette peine sera constitutif d’un nouveau délit pénal.
Le contrôle de la mesure ne pourra pas excéder 5 ans et le Juge d’application des peines pourra y mettre fin avant sur demande du Procureur de la République.
Le projet prévoit l’extension de l’application territoriale du droit pénal français. Il crée également l’infraction de trafic d’influence d’agent public étranger et prévoit la possibilité de condamner des étrangers résidant habituellement en France pour des faits de corruption et de trafic d’influence commis à l’étranger (article 12).
Alors que les attentes des acteurs du monde économique et judiciaire étaient fortes, nous regrettons cependant que :
Le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique constitue un risque et un défi dont les entreprises françaises vont devoir continuer à se saisir le temps des débats parlementaires.
Caroline Diot
[1] Sur ce point, voir l’article « Corruption, la France réagit enfin ! » par Caroline Diot et Fabien Pouchot http://www.advant-altana.com/medias/corruption-la-france-reagit-enfin