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    28.09.2018

    Application de la loi dans le temps : la Cour de cassation rétablit les frontières


    Le 19 septembre 2018, la Cour de cassation s’est prononcée sur l’application dans le temps de l’ordonnance du 10 février 2016, consacrant le « nouveau » droit des contrats.

     

    Le Professeur Thibierge nous livre son analyse.

    Pour la première fois, la Cour de cassation s’est prononcée sur l’application dans le temps de l’ordonnance du 10 février 2016, consacrant le « nouveau » droit des contrats.

    Le 19 septembre 2018, la première chambre civile a cassé la décision d’une juridiction de proximité qui avait appliqué le « nouveau » droit des contrats à un contrat conclu antérieurement au 1er octobre 2016 (date d’entrée en vigueur de l’ordonnance).

    En l’espèce, le juge de proximité avait fait application de l’article 1186 nouveau, relatif à la caducité, pour déclarer caduc un contrat de maintenance (l’accès au matériel à entretenir ayant disparu, de sorte que l’entretien devenait impossible).

    La Cour de cassation censure en ces termes : « en faisant ainsi application de l’article 1186 du Code civil dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 à un contrat dont il ressortait de des propres constatations qu’il avait été conclu avant le 1er octobre 2016, la juridiction de proximité a violé le texte susvisé [l’article 9 de l’ordonnance, relatif aux dispositions transitoires] ».

    L’arrêt est important.

    Il est aussi surprenant. En effet, la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation appliquait fréquemment le droit nouveau à des contrats anciens, sous couvert d’appliquer le droit ancien « à la lumière » du droit nouveau, en invoquant les « effets légaux » du contrat ou encore les dispositions d’ordre public (voir notamment Cass. civ. 1ère, 8 novembre 2017, n° 16-18859 ; Cass. civ. 3e, 9 février 2017, n° 16-10350 ; Cass. ch. mixte, 24 février 2017, n° 15-20411 ; Cass. soc., 21 septembre 2017, n° 16-20103).

    La décision du 19 septembre paraît contraire à cette pratique, à telle enseigne qu’on pourrait croire la Cour de cassation inspirée par la loi de ratification du 20 avril 2018, qui affirme que les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 échappent aux textes issus de l’ordonnance, même pour les effets légaux et l’ordre public. En ce sens, on pourrait estimer que la Cour de cassation réinstaure une frontière étanche entre les contrats antérieurs au 1er octobre 2016 et les contrats postérieurs.

    La portée de la décision pourrait, à l’inverse, être minimisé, si l’on considère qu’il ne s’agit que de censurer une application frontale du droit nouveau à un contrat ancien. Il n’est en effet pas ici question d’effets légaux, d’ordre public ou d’interprétation « à la lumière » du droit nouveau. Le juge de proximité avait, violant directement le texte de l’ordonnance, appliqué celle-ci à un contrat antérieur. La censure était inévitable, sauf pour la Cour de cassation à opérer une substitution de motifs et à remplacer l’article 1186 nouveau (sur la caducité) par le visa de l’article 1131 ancien (théorie de la cause), qui servait de fondement à la théorie de la caducité.

    La censure, quasi-disciplinaire, n’est sans doute pas innocente. Reste à voir ce que donneront les prochains arrêts en la matière, notamment lorsque seront soumis à la Cour des arrêts d’appel ayant appliqué le nouveau droit de manière indirecte. La question demeure épineuse ! (sur ce point, on pourra consulter l’article de J.-Ch. Roda, « Loi de ratification du 20 avril 2018 : Aspects de droit transitoire », au sein du dossier spécial « Réforme de la réforme », sous la direction scientifique des professeurs Andreu et Thibierge, AJ Contrat 2018, p. 303).

    Lien vers l’arrêt

     

    Avocat chez Altana, Louis Thibierge est Agrégé des Facultés de Droit, Professeur à l’Université Aix-Marseille et Membre du Centre de Droit Economique de l’Université Aix-Marseille.

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